Note d’intentions
1
Engoujure :
Gorge,
pratiquée sur quelque chose. Le réa d’une poulie porte à sa
circonférence une
engoujure, où s’encastre peu à peu le cordage.
L’aviron, mis
en mouvement par le godilleur, repose dans une engoujure, à l’arrière
du
bateau.
Les mains du
godilleur décrivent une sorte de 8, pour donner à la pelle une
incidence plus
ou moins forte, compatible avec un écoulement « attaché »
(non
décoché).
Même
si… « l’imagination qui dresse son orgie ne trouve qu’un
récif aux
clartés du matin », comme le dit Baudelaire, « chaque îlot
signalé
par l’homme de vigie est un Eldorado promis par le Destin ».
A
ce jour il s’avère en effet que nous pouvons faire le point sur la
carte de nos
besoins pour continuer notre navigation… nos recherches nous ayant
permis de
formaliser les directions d’une écriture scénique possible, après une
première
résidence de 12 jours à la Fonderie du Mans (septembre 2013).
Ce
titre « Appontages » annonce une circulation - « tirer
des
bords » - à partir de la métaphore du phare et de son gardien. Du
fond du
gouffre obscur, aimanté à son oreille, autour de la sentinelle circule
le son –
un abyme béant, et quelquefois un cantique muet. L’oreille au guet dans
un
ordre machinal. Un escalier de vertige où s’abîme la lumière à travers
l’espace. Le temps est impassible. Le jour décroît, la nuit augmente.
Le vide,
le noir, et le nu. Les œuvres des artistes dans notre nuit peuvent être
pour
nous une manière d’éviter quelques naufrages, métaphore qui sera aussi
exprimée…
L’ossature
principale sera fondée sur le cycle des jours, et la répétition des
intermittences lumineuses et sonores. La métaphore se précisera à
travers des
textes venant croiser ces feux (Didier-Georges Gabily, Jean-Pierre
Abraham,
Malcolm Lowry, Büchner, Homère, Joyce,…), et des œuvres musicales
seront
incluses dans le processus (Ligeti, Vivier, Penderecki, Jean-Yves
Bosseur,…).
Cette
nouvelle création, qui se construit dès son origine en collaboration
avec
Thierry Besche, directeur du GMEA (Centre National de Création Musicale
d’Albi-Tarn), est une autre manière de développer les questions du son
au
plateau, de réfléchir aux espaces créés par l’architecture du son.
Deux
musiciens en direct au plateau, Jean-Luc Guionnet (saxophone) et Michel
Vogel
(percussions) tisseront cette interaction des matières sonores
utilisées
(bande-son, comédiens, et sons du plateau : son
« concert » de
portes d’armoires).
Le
processus jouerait le rôle principal. Le questionnement de ce processus
est
notre premier fil conducteur. Ce qui nous intéresse c’est d’interroger
la scène
en train de se faire et de se défaire, les questions que pose
l’articulation
son/lumière.
La conception
de l’acteur et son rôle sur scène est toujours au centre des
interrogations de
cet Atelier. Acteur musicien (Celui qui ne connaît pas l’oiseau le
mange ;
poésie contemporaine), acteur chorégraphique (Beckett), acteur porteur
du
dispositif de lumière. Dans ses gestes et mouvements, l’acteur agit
tous les
paramètres du travail en train de se faire (son, lumière, espace), ces
forces
de l’écriture étant d’habitude distribuées autrement.
Travail du
son
Au
regard de l’histoire contemporaine du sonore, musique incluse, qui a
considérablement agrandi le champ de notre écoute, nous souhaitons
considérer
ici tous les matériaux sonores habituellement mis en action au théâtre
comme une seule et même musique ; et ainsi les composer, les
situer dans
des agencements d’espace, les forger en articulation avec l’ensemble
des
éléments mis en scène.
Un
tissage en direct entre langue descriptive-mots, langue
descriptive-sons,
oralité de la langue littéraire éventuelle, portée par les acteurs et
chanteurs
en scène. Ce tissage sera enrichi par différentes « lignes »
sonores,
qui auront été en amont préparées pour jouer de différents temps
scéniques. Le
projet sera cette recherche sur l’articulation entre cette énergie
vibratoire
en mouvement dans l’espace et sa transformation continuelle en direct.
Car même
si la matière sonore est toujours la matière signifiante privilégiée,
c’est par
la sensorialité qu’une partie de la forme de la proposition prendra son sens, enrichie aussi de
l’interaction avec l’image.
De
même qu’ils sont porteurs de lumière, les comédiens seront porteurs du
son,
comme les armoires, dans leur son nu (direct et/ou préenregistré), et
dans les
sons qu’ils transportent (haut-parleurs). Une chorégraphie est en train
de
s’écrire.
Essayer,
comme le dit Godard, de mettre deux angles côte à côte ; deux
angles ou
deux attitudes c’est une façon d’écrire avec les situations (ici des
situations
musicales et scéniques).
Travail de la
lumière
L’image
en soi comme mode de pensée, une constellation, une cadence, un rythme.
Quelque
chose entre le vu, le chût, et le relevé.
La lumière
proviendra essentiellement du plateau à partir de 4 propositions :
-
lumières autonomes au plateau (objets
scéniques tels
que : armoires métalliques, papier,…)
-
lumières portées par les comédiens
-
projecteurs de théâtre pilotés à partir d’une
partition pour l’écriture d’une polyphonie lumineuse d’éclats et
d’éclipses
-
vidéoprojecteurs
Comment aller
au-delà de la lumière qui éclaire ? Comment faire de l’image un
signe
lumineux au-delà de sa figuration ? Nous avons choisi le vidéo
projecteur
parce que notre intention n’est pas de faire des projections d’images
significatives
et de faire des arrêts sur image, mais plutôt d’interroger l’objet, le
détourner (l’outil induisant quel discours ?) : utiliser le
vidéo
projecteur comme source lumineuse, pouvant écrire et effacer autrement les résultats trop attendus qu’il
permet habituellement. Capter dans d’autres images les intensités
lumineuses et
la matière qui les constituent, et les restituer à la scène comme
propositions
lumineuses.
Les
projections seront faites à vue, portées par les acteurs, ou les
armoires, par une
chorégraphie aidant à une manipulation rythmique, jouant sur la variété
de
configurations, la succession de thèmes, la répétition de gestes.
Armoires en métal
Les
acteurs joueront « avec » et « de ». En effet,
les
armoires sont utilisées comme instruments en son direct de plateau et
pour
transporter le son. Ce sont elles aussi qui joueront, avec l’acteur,
les
espaces, par la lumière qu’elles
portent. Elles deviennent, par là même, non objet de décor mais objet
d’écriture
en mouvement.
Papier et eau
Les
deux éléments choisis à ce jour sont le papier et l’eau, qui seront
aussi les
moteurs du travail chorégraphique des acteurs, et la matière de base de
l’image
et du son. A ce jour, plusieurs pistes sont explorées.
- Le
mouvement du papier, son bruissement et toute la recherche sonore de sa
manipulation, portée jusqu’à l’attention d’écoute du musical.
- Le papier
comme élément scénographique, qui dans sa manipulation spécifique
chorégraphique proposera la structuration d’espaces d’apparition, de
disparition,
de déchirement et de déplacement. Visant à interroger la composition en
feuilletage de l’image scénique.
À ce jour la
recherche avec l’eau est en cours…
Martine
Venturelli