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Ce rêve que nous n’entrevoyons encore que par
brèves et rares lueurs. L’image du rêve une sorte d’empreinte fugace.
Dans la
vie nocturne sans garder aucun point de repère au-dehors. On oublie la
lumière,
tout se passe dans le rêve et la nuit. C’est souvent le rêve qui
dispose de la
véritable mémoire. C’est peut-être les images des fantômes qui nous
habitent
qui font naître nos visages intérieurs. Elles nous mènent vers l’obscur
de la
chair. Penser le rêve comme « imaginaire du
langage », l’image comme
un souffle, une haleine qui s’éteint et se consume, une respiration
éclairée.
Le souffle, c’est de l’air et de l’absence. Extérieur ou intérieur au
corps, il
est de toute façon les deux à la fois.
Après,
sentir l’image comme une chose une. On sent
que c’est une chose complexe, multiple, séparable. Pourtant il ne
s’agit pas de
cultiver essentiellement le hasard, dont on sait trop bien qu’il ne manque jamais à la vie.
Dans les circonstances du
rêve, chaque détail est
précis. Dans la vie qui passe vite, un geste peut durer longtemps. On
ne
distingue plus « l’objet » sur le fond du temps et de
l’espace, il se
confond avec eux, se perd en eux. Passant du jour à la nuit, il
contient
l’espace et le temps indéfinis, les quitte, tantôt seul tantôt dissout,
il ne
forme plus un tout distinct, il absorbe tout. Une continuelle mobilité
qu’aucun
acte d’intellection ne peut arrêter. Mémoire.
La
parole manque…
L’émission
de la parole ne résulte-t-elle pas, au
fond, d’une passagère empreinte de l’air. Nous pressentons peu à peu
que c’est
là-bas, au fond du sommeil, au terme de ces fugitives lueurs de rêves
que
s’écoule le grand fleuve de notre vie qui se mélange à l’univers, que
c’est
dans le corps de ces ombres fuyantes, si lourdes parfois colorées et
sensibles
que se passe notre histoire et celle de l’homme.
La
campagne qui passe aux vitres d’un train.
Les
mots contiennent les fleuves, les fleuves
entraînent les mots dans leur cours avec toutes les légendes, les
souvenirs,
les existences, le fleuve toujours nouveau où aucune pensée ne se lave
deux
fois, et la nuit descend dans la chute lente et sans cesse plus
glissante des
phrases que nous entendons, la résonance inouïe des mots que nous
sommes
habitués à entendre si légèrement. C’est d’abord la musique qui nous
est
proposée, comme si le rêve n’était pas fait surtout d’images, on y voit
ce que
l’oreille peut reconstruire comme images.
La
voix nous ébranle et réveille les multiples
voix qui dorment au fond de nous. La matière de la mémoire sous une
forme
libérée, à la limite des formes de la musique.
Polyphonie des temps,
palimpseste des signes, il
faut encore que l’esprit et le sens se dilatent, il faut que le corps
et
l’intellect puissent s’abandonner au fond de cette humanité mal
explorée qui
dort au fond de nous, à l’abri des rayons du jour, ne toucherons-nous
pas notre
votre substance d’astre, le noir de l’étoile.
Martine
Venturelli
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